Bordeaux, du 3 au 5 Avril 2003

Colloque pluridisciplinaire

 

Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement.

 

 

Éric Greff

 

Enseignant à l’IUFM                                  Groupe « Pratiques d'écriture et instrumentation

IUFM de Versailles.                                   du psychisme : approches psychologiques et didactiques »

Centre d’Antony.                                       dirigé par le professeur Annick Weil- Barrais

96, Rue Adolphe Pajeaud                           (Université d’Angers)

92160 Antony        

 

 

Etude des inter-actions langagières des élèves manipulant le robot de plancher à l’école maternelle

 

Eric GREFF : docteur en didactique de l'informatique, professeur de mathématiques et d'informatique à l'IUFM de Versailles (site d'Antony).

Mots clefs : robot, parcours, confrontation, environnement, maternelle

Questionnement général. Cadre théorique. Définition du vocabulaire.

L'objet de cette recherche est actuellement d'étudier et de comparer ce que peuvent apporter aux apprentissages premiers les activités centrées autour :

·        du jeu de l’enfant-robot

·        de l’utilisation d’un véritable robot de plancher,

·        de la représentation de ce robot sur ordinateur.

I.                  Questionnement

De manière large :

L'objet de la recherche, en collaboration avec le Laboratoire d'Informatique de l'Université du Maine (LIUM), est actuellement d'étudier ce que les activités centrées autour du « jeu de l'enfant-robot », du robot de plancher Logor ou du logiciel associé apportent aux apprentissages premiers.

 

De manière plus précise, nous nous interrogeons, dans cette étude, sur la question suivante :

 « Quelles sont les caractéristiques de réussite et les spécificités des stratégies utilisées par les élèves confrontés à des résolutions de problème selon l'environnement proposé ? »

« Comment les élèves résolvent‑ils des problèmes selon s'ils travaillent dans le cadre du jeu de l'enfant‑robot vs de l'utilisation d'un véritable robot de plancher vs de l'utilisation d'un logiciel informatique associé ? »

 

·        La réussite dépend-elle de l'environnement choisi (en qualité, en rapidité) ?

·        Y-a-t-il des stratégies corporelles différentes vs comparables (position du corps, utilisation des mains... ) ?

·        Quelles sont les difficultés particulières liées au plan de travail vertical (écran) vs horizontal (enfant-robot, robot) ?

·        La verbalisation dépend‑elle de l'environnement choisi ? De quelle manière ? quel est le vocabulaire topologique exprimé vs compris ?

·        La multiplicité des stratégies envisagées est-elle liée à la nature de l'environnement choisi ?

·        Quelles sont les incidences de la simulation (logiciel) par rapport au principe de réalité (robot, enfant-robot) ? La « prise de risque », par exemple, est-elle différente ?

·        Le principe de coopération/confrontation (lorsqu'il y a travail de groupe) est-il plus apparent selon l'environnement choisi ? Les enfants se parlent-ils ? s'opposent-il ? s'aident-ils ?

 

II.               Les apprentissages premiers

Les apprentissages premiers évoqués au départ de notre recherche sont ceux définis dans les programmes officiels de 1995[1]. Il s’agira pour nous de favoriser plus particulièrement les apprentissages premiers concernant :

·      la structuration de l’espace (repérage dans le plan, latéralisation, représentation de trajets…),

·      la structuration du temps (chronologie, séquentialité, anticipation…),

·      la construction du nombre (estimation, comparaison de distances, fonction du nombre…),

·      l’action dans le monde (conduite motrice, prise de repères, acceptation et respect de règles du jeu…),

·      la communication (lexicale, syntaxique, structurelle, graphique…).

 

L'ouvrage de référence du Ministère de l'Éducation Nationale (1991) : « Les cycles à l'école primaire » indique clairement que l'enfant de l'Ecole Maternelle doit s'ouvrir au monde et aux autres :

« L'enfant adapte son comportement dans une situation où il n'est pas seul, coopère, établit des relations de plus en plus nombreuses, reconnaît l'autre, l'écoute… ».

« Il est capable, à l'occasion des activités qui lui sont propres, d'observer, d'interroger, de verbaliser ce qu'il comprend ou de le traduire par un dessin, une ébauche de schéma. Il accepte des activités contraignantes pour acquérir des savoirs nouveaux ».

« L'enfant apprend à fixer son attention, à observer, à se concentrer sur une tâche. Il doit pouvoir participer à un projet dont il connaît l'objet. Il comprend et exécute une consigne. Il doit pouvoir mettre en œuvre des stratégies de tâtonnement pour trouver des solutions aux problèmes qui lui sont proposés ».

Sans les reproduire ici de manière totalement exhaustive, citons également les compétences en rapport avec la construction de l'espace relevées dans les textes officiels et concernant les enfants du cycle 1 :

« L'enfant affirme son autorité dans l'espace par rapport aux objets et aux personnes. Il connaît son corps, adapte ses comportements à l'activité exercée et manifeste de l'aisance corporelle ».

« Au cours d'explorations d'espaces de plus en plus étendus et nombreux, dans des durées diversifiées, l'enfant se situe dans un espace donné (classe, cour, rues, quartier…), sait parcourir un itinéraire simple, se donne des repères et des codes ».

 

Le programme de l'école maternelle précise : « Se repérer dans l'espace, se déplacer selon des consignes strictes, manipuler des indicateurs spatiaux du langage, sont des activités qui s'ordonnent tout au long du cursus de l'école maternelle. L'école maternelle doit permettre à l'enfant de donner un sens à ce repérage en passant de son point de vue à celui de ses camarades au travers d'activités nombreuses et diverses, jouant sur les trajets et parcours, réels ou représentés, et incluant leur description verbale ».

Nous étudierons l’acquisition de ces apprentissages premiers principalement sur les élèves de Grande Section (GS) de l’Ecole Maternelle.

III.           Le jeu de l’enfant-robot

Le jeu de l’enfant-robot est une ingénierie pédagogique destinée aux enseignants de l'École Maternelle. Celle-ci utilise un véritable langage de commande original destiné à des enfant ne sachant pas lire. Ceci nous a amené à nous interroger sur les spécificités des langages informatiques et de la communication graphique. En effet, dans un monde où l'image, les sigles et les logos sont de plus en plus répandus, où l'informatique n'existe plus sans environnement graphique (Système Macintosh, Windows…), la confrontation à la lecture d'idéogrammes est omniprésente. Nous avons donc créé et développé un langage entièrement graphique basé sur les déplacements de l'enfant. Une des particularités de ce langage est, qu'à l'instar de l'algorithmique, il peut fonctionner sans ordinateur.

Un langage affirme ses fonctionnalités et ses limites dans son utilisation. Il a donc été mis en place une série d'activités centrées sur ce langage et dénommées « le jeu de l'enfant-robot ». Celui-ci consiste, dans un premier temps, à faire jouer physiquement au jeune élève le rôle d'un robot qui doit interpréter et exécuter les cartes-instructions qui lui sont présentées.

Divers types d'exercices sont alors proposés aux enfants leur permettant d'utiliser le langage nouvellement acquis afin de résoudre différents types de problèmes liés aux trajets. On demande ainsi à l'élève de coder ou de décoder un parcours effectué par le robot ou de l'aider à sortir d'un labyrinthe… On peut également l'engager à reconstituer, en tout ou partie, le programme lu par un robot dont on connaît les positions et orientations initiales et finales. On pourra dès lors introduire la notion de programme « le plus court » ou encore le plus « efficace » et montrer que si différents programmes peuvent résoudre un même problème certains sont toutefois plus « élégants » que d'autres.

En Janvier 1995, nous avons publié aux éditions « Nathan Pédagogie » un ouvrage intitulé « Logique et Algorithme avec les 5/6 ans » [GRE 95a]. Celui-ci, librement inspiré des expériences de la tortue de sol, se veut une méthode à destination des enseignants de Moyenne et Grande Section de l'École Maternelle ainsi que de ceux du CP afin qu'ils puissent initier facilement leurs élèves au « jeu de l'enfant-robot ». Cette activité, destinée à de jeunes élèves ne sachant pas encore lire, est conçue pour fonctionner, à faible coût, dans la classe et sans utiliser ni ordinateur, ni machine d'aucune sorte.

Les réflexions concernant l'apprentissage de l'algorithmique et de la programmation ont été en permanence les moteurs et les référents de cette méthode. Il s'agissait donc de créer, non pas un langage informatique mais un environnement conceptuellement rigoureux permettant l'expérimentation de l'utilisation des structures algorithmiques de base. Les possibilités d'activités développées à l'École Maternelle étant riches et variées, nous nous sommes attachés à relier au « jeu de l'enfant-robot » les autres notions essentielles habituellement abordées avec les très jeunes enfants dans le cadre scolaire. Nous nous sommes donc également intéressés à la construction de l’espace et du temps, au repérage dans le plan, à la latéralisation… Nous avons mené, sur l’ensemble de ces notions, des observations systématiques qui ne sont pas décrites ici mais dont vous pourrez trouver l’intégralité dans [GRE 96b].

IV.           Matériel utilisé

Le jeu de l’enfant-robot

Le jeu de l’enfant-robot est une ingéniérie didactique dont la progression est détaillée dans l’ouvrage intitulé « Logique et Algorithme avec les 5/6 ans » publié aux éditions « Nathan Pédagogie » en 1995.

Le robot Logor

En 1996, nous écrivions [GRE 96b] que si nous avions à concevoir un robot de sol idéal permettant de compléter le travail entrepris avec le « jeu de l'enfant-robot », celui-ci posséderait les caractéristiques suivantes :

·        Être un robot de plancher mobile, à intelligence et énergie embarquées (pas de fil, pas d'infra-rouge).

·        Être fiable, solide, précis, bien orienté et facile d'emploi.

·        Utiliser exclusivement les mêmes cartes-instructions que la méthode d’apprentissage.

·        Accepter d'exécuter globalement un paquet d'instructions (programme) et pas seulement les cartes individuellement.

·        Être commercialisé à un prix accessible pour une école (environ 1000F), donc de conception simple.

Depuis lors, nous avons pu constater (au cours de notre recherche avec le Laboratoire Informatique de l’Université du Maine) que fabriquer un robot de plancher « ex nihilo » n’était pas tâche facile, notamment en ce qui concerne la partie mécanique. Au cours de ce travail de recherche, nous avons été mis en contact[2] avec la société Valiant Technology de Londres qui fabrique, depuis 1988, un robot pédagogique dénommé « Roamer ». Si celui-ci est largement diffusé en Grande-Bretagne ainsi qu’au Québec, il est encore quasiment inconnu en France. Le robot « Roamer » nous a semblé présenter des similitudes intéressantes avec notre travail et de réels atouts pédagogiques. Il correspond à notre cahier des charges sauf en ce qui concerne la lecture globale des cartes-instructions. Notre collaboration future avec la société Valiant permettra, sans doute, de gommer cette différence.

 


 

Ce robot a l’apparence d’une sphère aplatie qui, à l’origine, est trop symétrique pour montrer l’orientation du robot mais qui peut être librement décoré, ce qui permet à la fois de l’orienter et de le personnaliser. Sur sa face supérieure, il possède un clavier souple dont les touches correspondent à des instructions. Celles-ci permettent la programmation du robot qui pourra ainsi se déplacer, pivoter, faire de la musique, temporiser et également mémoriser des procédures. Notons que le terme employé par le fabricant pour désigner ce produit est « Roamer », ce qu’on pourrait traduire par « randonneur ». Le robot Valiant est commercialisé en France par la société

Nathan sous le nom de Logor.

Le logiciel « Roamer world »

Le logiciel « Roamer World » fonctionne sur ordinateur de type PC, sous windows.

Ce logiciel a la particularité d’être un logiciel graphique, entièrement manipulable à la souris pouvant être utilisé sans savoir lire, donc par de très jeunes enfant (4/5 ans).

V.              Méthodologie de recherche

·        Afin de répondre aux questions portant sur les apprentissages premiers favorisés par l'utilisation du robot, on mettra en place, dans une classe d'expérimentation, un certain nombre de situations censées favoriser ces apprentissages et l'on observera si l'utilisation du robot permet leur acquisition.

Dans ce cas, la validation se fera en comparant les comportements attendus aux comportements observés.

·        Afin d'observer si des séances autour du robot de plancher font émerger des structures langagières de coopération, d'argumentation et de raisonnement hypothético‑déductif, nous mettrons en place les situations dont nous espérons qu'elles ferons émerger des interactions langagières et nous procéderons à une collecte et une analyse de discours.

 

Dans le cadre de notre recherche, nous avons décidé de mettre en place le dispositif suivant :

Du mois d'octobre 2000 jusqu'à la fin du mois de janvier 2001 les trois classes suivent, en parallèle, la même progression concernant le jeu de l'enfant‑robot.

A la fin de ce « tronc commun », et pendant les 4 semaines suivantes, les pratiques des enseignantes vont diverger en fonction des environnements attribués :

·        La classe « enfant‑robot » poursuit les mêmes types d'exercices que ceux mentionnés ci‑dessus avec les mêmes restrictions, à savoir un travail portant uniquement sur les activités de quadrillage, sans case interdite.

·        La classe « robot » se consacre à la prise en main du robot de plancher Logor et à l'utilisation de l'objet cybernétique dans des activités sur quadrillage, semblables à celles expérimentées auparavant.

·        La classe « logiciel » se consacre à la prise en main du logiciel « Roamer World » et à son utilisation dans des activités sur quadrillage, semblables à celles expérimentées auparavant.

 

Dans chacune de ces classes, les enseignantes choisiront un groupe de 8 enfants leur semblant particulièrement motivés par ces activités. Il ne s'agit pas de sélectionner des enfants sur des critères de réussite mais plutôt sur des critères d'intérêt apparent et de concentration sur la tâche.

 

Nous disposerons ainsi de 3 groupes de 8 enfants ayant une formation comparable sur les activités corporelles basées autour du jeu de l'enfant‑robot.

Un des groupe ne connaît que l'environnement « jeu de l'enfant‑robot », l'autre connaît, en plus, le maniement du robot, le dernier ne connaît pas le robot mais le logiciel associé.

VI.           Evaluation

Il s'agit alors, pour notre évaluation, de proposer à chacun des groupes des activités nouvelles qui pourront être effectuées dans chacun des trois environnements proposés afin de comparer les procédures et les réussites de chaque groupe et de tenter d'analyser les résultats collectés.

Nous soumettons les élèves à des tests, individuels ou pas, concernant notamment les parcours linéaires, les parcours sur quadrillage avec case interdite, les pivotements. Bien entendu, ces tests sont volontairement différents des activités proposées auparavant afin d'observer les transferts éventuels et non l'adéquation à la méthode.

VII.       Analyse des résultas obtenus

*    Expérimentation phase 1

Nous travaillons avec 2 classes de Grande Section (5ans) : huit enfants de chaque classe, choisis selon les critères mentionnés ci-dessus, participent aux tests.

Les élèves se présentent individuellement aux épreuves. Pour l’exercice du quadrillage, ils se présentent par doublette afin de favoriser et d’observer d’éventuels échanges. Nous souhaitons observer la réussite et la stratégie  de l’élève, par rapport à un même problème, en fonction de l’environnement expérimental qui lui est proposé.

Afin de mesurer les résultats des élèves, l’enseignant remplit, en temps réel, une grille d’évaluation en observant le travail de l’enfant.

Chaque enfant passe 5 tests portant sur les notions suivantes :

·       La construction de l’espace :

1.     suivre un cheminement sur une ligne brisée;

2.     suivre un cheminement sur une ligne brisée en altitude (avec la notion de risque);

3.     imaginer un programme sur quadrillage pour atteindre un but (doublette);

·        La construction du nombre :

4.     à partir d’une bande numérique, se rendre successivement sur des nombres donnés (inférieurs à 10);

·       Les pivotements :

5.     Anticiper des déplacements de pivotement.

*    Considérations générales

Les enfants de l’école maternelle Jean Guillon ne rencontrent aucun problème de manipulation des environnements proposés.

Nous pouvons également observer que, si on leur demande, les enfants arrivent à faire de la programmation enchaînée (un groupe d’instructions, une exécution) plutôt que du « pas à pas » (une instruction, une exécution, une instruction, une exécution¼) dès lors que le programme à exécuter est court (pas plus de 3 instructions).

Pour les enfants manipulant le robot, ils semblent très majoritairement avoir intégré qu’il vaut mieux se placer à l’arrière du robot, dans le même sens que lui, pour le programmer.

Pour les enfants utilsant le logiciel, le maniement de la souris ne leur pose aucun problème (ils utilisent, dans cette classe couramment des logiciels pédagogiques sur ordinateur).

Les enfants de l’école maternelle Maryse Bastié connaissent bien le jeu de l’enfant-robot. Ils l’ont déjà pratiqué en Moyenne Section.

Comparaison des résultats obtenus par le groupe “robot”, le groupe “logiciel”et le groupe “enfant-robot”

§         Test n°1 Le jeu de l'oie (ligne brisée)

Il s’agit d’une ligne brisée constituée de cases carrées décorées de façon à pouvoir les nommer.

Au départ, le mobile est sur la case vierge, dans le sens du départ.

Nous nous sommes assurés, quelques jours avant les tests, que les enfants reconnaissent bien les chiffres, les formes (carré, triangle, rond, étoile) et les couleurs.

Après la présentation de l’exercice, les consignes suivantes sont données aux enfants :

Consigne 1 : Le mobile est situé sur la case blanche, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur le rond rouge, en un seul voyage.

Tous les enfants (sauf 1 dans le groupe « robot ») réussissent cet exercice facile.

Consigne 2 : Le mobile est situé sur le rond rouge, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur le triangle jaune, en un seul voyage.

Les enfants du groupe « enfant-robot » le réussissent parfaitement (8/8). Ceux du groupe « logiciel » (7/8) réussissent mieux cet exercice que ceux du groupe « robot » (5/8).

L’enfant du groupe « logiciel » qui s’est trompé programme DR1 AV1 (pivote à DRoite 1 fois, AVance de 1) au lieu de DR1 AV2. On peut attribuer cette erreur au fait qu’il compte la case de départ pour 1, ce qui arrive fréquemment chez les enfants n’ayant pas l’habitude des « jeux de pistes ».

Dans le groupe « robot », 2 élèves programment GA2 et un autre GA2 AV2. On peut attribuer cette erreur au fait que l’enfant « globalise » la tâche à effectuer (il faut pivoter à GAuche et avance de 2 pas qui devient GA2.

Nous ne savons pas interpréter l’écart de réussite entre les 2 derniers environnements. Notre analyse a priori laissait supposer que l’élèves utilisant le robot, et donc pouvant se déplacer afin de se mettre dans la même orientation que celui-ci, obtiendrait de meilleurs résultats. Il n’en est rien.

Consigne 3 : Le mobile est situé sur le triangle jaune, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur l'étoile bleue

La réussite à cet exercice est globalement moindre. Le nombre d’instruction à enchaîner pour réussir est beaucoup plus important (GA1 AV3 GA1 AV1)

La moitié des élèves du groupe « logiciel » (4) triomphent néanmoins de cette épreuve, il en est de même pour ceux du groupe « enfant-robot » (4) alors qu’ils ne sont qu’un quart à réussir dans le groupe « robot » (2).

Les enfants du groupe « logiciel » qui échouent le font tous de la même manière en programmant GA1 AV3 GA1, à savoir qu’ils omettent uniquement la dernière instruction pour arriver au but, à moins qu’ils n’aient amalgamer « pivoter à GAuche et avancer 1 fois » en GA1.

3 enfants du groupe « robot » et 2 du groupe « enfant-robot » commettent la même erreur. Il y a donc globalement 9 enfants sur 24 qui programment ce mouvement incomplet GA1 AV3 GA1 pour seulement 10 qui indiquent la bonne réponse. Ceci laisserait-il à penser que 3 est le nombre charnière de contraintes qu’un enfant de cet âge peut facilement gérer ? Le jeu de logique “Quarto !” utilise ce principe: dans ce jeu, il faut gérer simultanément quatre propriétés des objets et l’on a toujours tendance à en « oublier » une des quatre pour n’en considérer que 3, au maximum.

Les autres enfants du groupe « robot » qui se trompent programment GA1 AV4, prévoyant ainsi correctement le premier pivotement mais « synthétisant » la suite du parcours en un « avance de 4 case » (AV4) qui ne tient pas compte du caractère « brisé » de la ligne AV3 G1 AV1.

Les autres enfants du groupe « enfant-robot » qui se trompent programment GA1 AV3 DR1 pour l’un et DR1 AV3 DR1, pour l’autre. Là encore, il s’agit de parcours à 3 instructions faisant apparaître, en outre une confusion gauche/droite.

 

*      Analyse comportementale :

Les enfants du groupe « robot » sont 5 sur 8 à commenter spontanément leur erreur :

il fallait 2 pas !

il fallait tourner à gauche !

j’ai pas redit « tourner »

j’ai raté, c’était pas ça, il fallait pas qu’il avance de 4, il fallait avancer de…

oh, j’avais appuyé 2,oh !

presque !

Dans ce groupe, 2 enfants oralisent et commentent en permanence leur programmation, prenant l’observateur à témoin.

Dans le groupe « enfant-robot », 3 sur 8 font des commentaires :

j’ai oublié le quart de tour

j’ai oublié une carte, celle pour tourner

zut, j’ai oublié un pas en avant

 

Dans le groupe « logiciel », en revanche, les élèves sont étonnement silencieux. Seul l’un d’entre eux exprime son satisfecit à l’exercice réussit. Aucun des autres ne commente ni l’erreur, ni la cause. L’enfant, face à l’écran, est concentré sur les images. La gestion parallèle de l’écran et de la souris demande une attention soutenue qui est probablement la cause de cette concentration silencieuse.

 

*      Test n°2 Parcours en altitude (ligne brisée)

 

Le principe de cette épreuve est totalement identique à l’épreuve précédente. Cependant, ce parcours est « dramatisé », pour devenir un parcours « à risque ». Dans la configuration « robot », les feuilles cartonnées du parcours sont collées sur des bancs de telle sorte que le risque, pour le robot, de tomber, est réel. Certes des coussins sont prévus pour amortir sa chute mais l’on fait clairement comprendre aux enfants que le robot risque de s’abîmer s’il tombe et qu’il faut donc faire particulièrement attention à sa programmation. Bien entendu, cette « théâtralisation » est plus difficile à mettre en œuvre au niveau du logiciel. Programmer une alerte sonore au cas ou le robot quitte le parcours s’est révélé au delà de nos compétences informatiques. Seule la persuasion de la maîtresse a pu faire la différence « si le robot sort de son parcours, c’est vraiment très, très embêtant, ça risque d’abîmer le programme… ».

Pour le groupe « enfant-robot », c’est l’enfant lui-même qui joue le rôle du robot et qui donc « prend le risque ». L’enfant aura donc toujours la possibilité de s’arrêter au bord du banc même si l’instruction lui enjoint d’avancer. De plus, ces enfants qui pratiquent l’escalade au sein de l’école sont peu sujet au vertige et à la peur de marcher en altitude.

Le parcours en altitude a été proposé systématiquement après le parcours en ligne brisé. L’épreuve a donc perdu de sa nouveauté et les élèves s’y sont déjà « entraînés ».

Consigne 1 : Le mobile est situé sur la case blanche, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur le rond rouge

Tous les enfants ont réussi l'exercice du premier coup, quelque soit l’environnement observé. Ceci semble confirmer l’importance du « déjà vu, déjà expérimenté ».

Consigne 2 : Le mobile est situé sur le rond rouge, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur le triangle jaune

Ici aussi, tous les enfants ont réussit l'exercice du premier coup, quelque soit l’environnement observé. Il est difficile d’évaluer pourquoi la réussite à cette épreuve est meilleure qu’au test 1. Est-ce parce que les enfants sont déjà entraînés où est-ce parce qu’ils sont plus attentifs à cause de l’aspect « dramatique » de la situation ? Il conviendra d’imaginer d’autres situations afin de répondre à cette question. Le seul enfant du groupe « enfant-robot » qui s’est trompé a aussitôt rectifié son erreur.

Consigne 3 : Le mobile est situé sur le triangle jaune, programme le mobile pour qu'il s'arrête sur l'étoile bleue

Comme pour le test 1, ce travail est mal réussi par les élèves, un quart d’entre eux seulement écrivent le programme correct du premier coup. L’effet d’entraînement ne joue donc pas ici. Il y a même régression importante pour le groupe « ordinateur » dont la réussite est de moitié par rapport à celle du test 1. Cinq enfants de ce groupe ont programmé DR1 AV3, soit 2 instructions exactes permettant de se rapprocher de la cible, mais pas de l’atteindre en une seule fois. On peut raisonnablement pensé que les élèves ont ainsi pensé « réduire le risque » en programmant le début du parcours a effectuer et en le testant, quitte à le compléter ensuite plutôt que de tenter de le faire « en une seul fois » au risque de se tromper… et « d’abîmer le programme ». Un élève du groupe « enfant-robot » programme DR1 AV3 DR1 omettant seulement la dernière instruction.

3 enfants du groupe « robot » et 3 enfants du groupe « enfant-robot » réitèrent l’erreur commise au test 1 et programment DR1 AV4 « synthétisant » la suite du parcours en un « avance de 4 cases » qui ne tient pas compte du caractère « brisé » de la ligne

2 autres élèves du groupe « robot » et 1 du groupe « enfant-robot » commettent un erreur de latéralité commençant leur programme par GA1.

*      Analyse comportementale :

Lorsque l’on compare les résultats des 2 groupes « logiciel » et « robot », il est flagrant de constater que le groupe « logiciel » ne commet qu’un seul type d’erreur consistant à ne pas terminer un programme dont le début est correct. Il n’y a, à chaque fois, que 2 catégories d’élèves : ceux qui réussissent totalement et ceux qui font le début du programme jusqu’à un certain point et étonnamment, le même pour tous. Les réponses erronées des élèves du groupes « robot » sont quant à elles beaucoup plus hétérogènes. Les élèves du groupe logiciel réussissent donc globalement bien mieux que ceux de l’autre groupe.

Les enfants du groupe « robot » s’assoient spontanément à califourchon sur le banc, à l’arrière du robot, pour le programmer. Ils sont donc a priori dans les conditions optimale d’orientation pour réaliser leur tâche. La plupart d’entre eux suivent physiquement le robot, prêts à intervenir au cas où celui ci risquerait la chute. Comme pour le test 1, deux enfants du groupe « robot » oralisent et commentent en permanence leur programmation, prenant l’observateur à témoin.

Les enfants du groupe « enfant-robot » placent, comme ils en en ont l’habitude, la carte de pivotement devant l’Algor en pâte à sel afin de vérifier que le sens de pivotement envisagé est convenable. La manipulation physique des cartes est un véritable problème. Il leur est difficile de vérifier ou rectifier le programme qu’ils tiennent dans leur main sans poser les cartes au sol ou recommencer l’ensemble.

·       Fait nouveau, les élèves du groupe « logiciel », muets lors du premiers test sont 5/8 à faire des commentaires sur leur erreur… ou leur réussite 

·       Il est arrivé là, je sais pas pourquoi…

·       J’ai mis avance de 3, il fallait tourner de 1 avant d’avancer !

·       Je l’ai mis à gauche au lieu d’à droite

·       Je sais pas

·       Je dois tourner comme ça (montrant la droite)

·       J’en ai marre, j’arrive pas

·       J’suis pas tombé, heu !

·       J’ai réussi !

 

La moitié des élèves du groupe « robot » le font également…

·       Non ! J’ai avancé de 5 mais c’était pas bien !

·       Il fallait avancer de 3 !

·       Il a pas tourné dans le bon sens !

·       Il fallait que je le fasse tourner !

·       C’était pas le bon numéro !

 

4 élèves du groupe « enfant-robot » font des commentaires :

·       Fallait 1 pas en avant

·       Il me manque un pas en avant

·       Il manque une carte

·       C’était bien sur la table

 

On peut probablement attribuer l’ensemble de ces commentaires au besoin d’exprimer une charge émotionnelle importante. Il semble donc que la notion de « risque » favorise les commentaires des élèves sur leur travail, leur réussite ou leur échec. Gageons qu’une analyse plus fine opérée par des collègues psychologues nous renseignerait d’avantage sur ces processus.

VIII.    Conclusion et perspectives

Nous ne présentons ci-dessus d’une manière détaillée qu’une partie des expériences réalisées. Cependant, étudier les différences de réussite, de stratégies et de comportement des très jeunes enfants confrontés à la résolution de problèmes en fonctions des environnements de travail proposés a fait apparaître un certain nombre de résultats que nous résumons ici :

·        Les enfants utilisant le logiciel oralisent beaucoup moins que ceux qui utilisent le robot. Cet écart s’amenuise lorsque la situation revêt un « caractère émotionnel » plus important.

·        3 instructions semblent être le nombre maximum d’instructions successives qu’un jeune enfant de 5-6 ans est capable gérer simultanément.

·        Les activités dans l’environnement « robot » sont associées à l’enjeu important de la manipulation de l’objet cybernétique et font émerger des conflits oraux importants lors du travail en équipe.

·        En revanche, les activités dans l’environnement « enfant-robot »et notamment l’utilisation des cartes instructions comme représentantes de la mémoire partielle de l’action prêtent à de véritables situations de coopération.

·        Les activités dans l’environnement « logiciel » sont celles qui favorisent le moins les commentaires oraux alors que les activités « à risque », sous-tendant une forte charge émotionnelle, sont celles qui en provoquent le plus.

·        La possibilité de pouvoir condenser le langage de commande (AV 4 à la place de AV AV AV AV) constitue un élément réellement facilitateur. Cette possibilité existe dans le jeu de l’enfant-robot mais n’avait pas encore été adoptée au moment de l’expérimentation.

·        Les exercices concernant les pivotements qui nous semblaient, a priori, simples n’ont pas été facilement réussis par les enfants. De plus, la possibilité de se mettre dans « le même sens » que le robot n’a pas constitué, contrairement à notre prévision, une aide sensible.

IX.           Bibliographie

[ARS 70] ARSAC Jacques, La science informatique, Dunod, 1970

[BOU 88] BOULE François, L'informatique, l'enfant, l'école, Armand Colin-Bourrelier, 1988

[CAL 85] CALMY-GUYOT Gisèle, Informaticiens en herbe., Ecole La Fontaine, Meudon, 1985

 [DEN 94] DENIS Brigitte, Agir avec la tortue LOGO, agir avec l’ordinateur à l’Ecole Maternelle, Centre technique de l’Enseignement de la Communauté française, Frameries, Belgique, 1994

[DUC 90] DUCHÂTEAU Charles, Images pour programmer : un environnement pour l'apprentissage de l'algorithmique, Actes du 2ème Colloque Francophone de Didactique de l'Informatique, Namur, 1990

[DUC 93] DUCHÂTEAU Charles, Robotique-Informatique : mêmes ébats, mêmes débats, mêmes combats ? Actes du 4ème Colloque de Robotique Pédagogique, Liège, 1993

 [GRE 95 a] GREFF Éric, Une année de logique et algorithmes avec les 5/6 ans, Nathan Éducation, 1995

[GRE 95 b] GREFF Éric, Comment introduire la pensée algorithmique auprès de jeunes enfants à travers le jeu de l'enfant-robot, Journée sur la recherche à l'IUFM de l'Académie de Versailles, 1995

[GRE 96 a] GREFF Éric, Les apports du jeu de l'enfant-robot à la didactique de l'informatique, Actes du 5ème Colloque Francophone de Didactique de l'Informatique, Monastir, 1996

[GRE 96 b] GREFF Éric, Le jeu de l'enfant-robot : une démarche et une réflexion en vue du développement de la pensée algorithmique chez les très jeunes enfants, Thèse de Doctorat de l'Université Pars VII, Juin 1996

[PAI 88] PAIR Claude, L'apprentissage de la programmation, Actes du 1er Colloque Francophone de Didactique de l'Informatique, Paris, 1988

[PAP 81] PAPERT Seymour, Jaillissement de l'esprit, Flammarion, 1981

[PER 85] PERES Jacques, Recherches en didactique sur l'utilisation de la tortue de sol. Compte rendu d'une préexpérimentation, Université de Bordeaux, 1985

[PER 87] PERES Jacques, Recherches menées à l'IREM de Bordeaux sur l'utilisation de la tortue de sol LOGO à l'École Maternelle, Université de Bordeaux, 1987

[PEY 88] PEYRIN Jean-Pierre, GUÉRAUD Viviane, Un jeu de rôles pour l'enseignement de la programmation, Actes du 1er Colloque Francophone de Didactique de l'Informatique, Paris, 1988

[ROG 88] ROGALSKI Janine, Méthode de programmation, Actes du 1ier Colloque Francophone de Didactique de l'Informatique, Paris, 1988

[VIV 82] VIVET Martial, LOGO : un environnement informatique pour la formation d'adultes, Actes du Colloque National LOGO, Clermont-Ferrand, 1982


 

 

[2] grâce à Benoît Limbos de l’Université Libre de Bruxelles