Le jeu de lenfant-robot : un exemple dingénierie éducative conçue pour lEcole Maternelle.
Éric Greff
Résumé : La construction de lespace et sa représentation sont des domaines clés des " Apprentissages premiers . Issue du domaine de linformatique, lingénierie éducative intitulée " jeu de lenfant-robot " permet à lélève de jouer, pour un temps, le rôle du robot. Dans ce cas, il se déplace en fonction des cartes-instructions graphiques qui lui sont montrées. Cette phase de vécu corporel étant validée, lenfant aborde le problème de la représentation des parcours effectués en utilisant, dans un premier temps, maquette et figurine, puis des représentations planes mettant en scène le personnage " Algor " qui, à son tour, se meut sur un quadrillage.
Mots clés :
construction de
lespace algorithme
enseignement
pré-scolaire structuration
robot
Préambule
Il est flagrant, lorsqu'on lit les
comptes-rendus d'expérimentation des années 85-87 [PER 85] [PER 87], de voir
l'extraordinaire engouement qu'a suscité LOGO dans l'enseignement. A bien y réfléchir,
cet enthousiasme n'est pas vraiment étonnant dans le contexte d'une micro-informatique en
plein essor et par rapport à la richesse d'applications que pouvait apporter la tortue de
Seymour Papert. Il est également frappant de constater combien ce langage est ensuite
tombé en désuétude et combien il est désormais peu utilisé, voir renié. Il ne s'agit
plus de le tuer, de le ressusciter ou de le réhabiliter mais d'essayer de comprendre,
pour ne plus les reproduire, les mécanismes qui ont mené à sa disparition puis de se
ressourcer aux fondements de LOGO.
Le jeu de l'enfant-robot
En Janvier 1995, nous avons publié aux éditions " Nathan Pédagogie " un ouvrage intitulé " Logique et Algorithme avec les 5/6 ans " [GRE 95a]. Celui-ci, librement inspiré des expériences de la tortue de sol, se veut une méthode à destination des enseignants de Moyenne et Grande Section de l'École Maternelle ainsi que de ceux du CP afin qu'ils puissent initier facilement leurs élèves au " jeu de l'enfant-robot ". Cette activité, destinée à de jeunes élèves ne sachant pas encore lire, est conçue pour fonctionner, à faible coût, dans la classe et sans utiliser ni ordinateur, ni machine d'aucune sorte.
Les réflexions concernant l'apprentissage de l'algorithmique et de la programmation ont été en permanence les moteurs et les référents de cette méthode. Il s'agissait donc de créer, non pas un langage informatique mais un environnement conceptuellement rigoureux permettant l'expérimentation de l'utilisation des structures algorithmiques de base. Les possibilités d'activités développées à l'École Maternelle étant riches et variées, nous nous sommes attachés à relier au " jeu de l'enfant-robot " les autres notions essentielles habituellement abordées avec les très jeunes enfants dans le cadre scolaire. Nous nous sommes donc également intéressés à la construction de lespace et du temps, au repérage dans le plan, à la latéralisation Nous avons mené, sur lensemble de ces notions, des observations systématiques qui ne sont pas décrites ici mais dont vous pourrez trouver lintégralité dans [GRE 96b].
Le jeu de l'enfant-robot : une progression pédagogique pour les 4-6 ans
Présentation de lingénérie
La méthode emploie un matériel simple, c'est-à-dire un certain nombre de cartes conçues pour être montrées aux enfants lorsqu'ils jouent le rôle du robot, afin qu'ils exécutent les actions évoquées. Ces cartes-instructions correspondent à :
des délimiteurs (début, fin de programme),
des mouvements à effectuer (" Avance d'un pas ", " Recule d'un pas ", " Pivote d'un quart de tour à Droite ", " Pivote d'un quart de tour à Gauche " ),
des actions à accomplir (" Chante ", " Frappe dans tes mains " ).
Il existe trois formes dactivités pour apprendre à connaître ces cartes et leur signification :
En groupe : le maître montre les cartes (grand format) à un groupe d'élèves (demie classe) qui agit en fonction.
En trio : un enfant montre les cartes (petit format) à un autre qui exécute les instructions correspondantes. Le troisième enfant joue le rôle de contrôleur, d'arbitre.
En solo : l'enfant travaille avec son paquet de cartes (petit format). Il dépile ses instructions une à une et les exécute au fur et à mesure.
Un paquet de cartes détermine un parcours précis et constitue donc un " programme " dont chaque carte représente une instruction. À partir de ces éléments de base, se développent plusieurs types d'activités :
constituer des programmes,
les faire exécuter par un autre et veiller à leur bonne exécution,
exécuter un programme soi-même en dépilant son paquet de cartes,
coder et décoder un parcours précis,
résoudre des problèmes (au sens mathématique du terme)
L'enfant peut donc être, tour à tour, programmeur et programmé. Dans le premier cas, il assemble les cartes, dans le bon ordre, afin que le robot exécute son parcours-programme. Dans le second cas, il agit à la manière d'un robot et ne se meut qu'en fonction des cartes qui lui sont présentées.
Dès le début de la méthode, l'enfant vit les parcours avec son corps sans avoir recours à un objet médiateur de type " tortue ". Ceci constitue une composante forte de notre travail. " On peut faire de la programmation sans ordinateur en essayant de décrire, avec le langage ordinaire, les actions nécessaires à l'accomplissement d'une tâche. Un élève peut même servir d'automate et exécuter les ordres que ses camarades lui donnent et uniquement ceux-là ! " [MEN 85].
Afin de normaliser les parcours, pour éventuellement les comparer ou les recommencer, l'utilisation d'un quadrillage au sol se révèle être un auxiliaire incontournable. Grâce à lui, l'instruction " Avance d'un pas " équivaut, pour le robot, à se rendre dans la case immédiatement devant lui. Ce type de support constitue un outil normatif également indispensable pour les travaux de représentation écrite.
L'aspect didactique
Le jeu de l'enfant-robot a pour objectifs pédagogiques principaux de :
développer chez l'enfant une pensée de type algorithmique,
apprendre à respecter des règles et des consignes précises,
développer la latéralisation et la représentation dans l'espace et dans le temps,
s'approprier divers types de représentations à propos des parcours.
Le développement d'une pensée de type algorithmique constitue, pour nous, un but important de l'enseignement. En effet, savoir décomposer un problème pour le résoudre, ordonner sa pensée, raisonner avec rigueur constituent des atouts précieux à tout apprentissage. En proposant de telles activités de programmation à de jeunes enfants, on met en uvre les processus cités et " sexercer à disséquer les problèmes ne peut que conduire à un plus haut degré de subtilité intellectuelle " [PAP 81]. " Lorsqu'on l'examine du point de vue de la psychologie, on peut affirmer que l'activité de programmation se présente comme une tâche de résolution de problèmes [ ] l'apprentissage de la programmation peut donc conduire à la constitution de nouvelles manières de penser et de traiter les problèmes " [DUF 88]. Voilà ce que nous ambitionnons de faire.
L'aspect représentationnel
Le langage de commande que nous utilisons, aussi simple soit-il, est déjà un système de représentation.
De plus, après avoir privilégié le vécu corporel, le jeu de l'enfant-robot fait appel à deux supports différents de représentations :
L'enfant fait évoluer, sur une maquette (en 3 dimensions) quadrillée, une figurine volumique orientée qu'il déplace en fonction des cartes-instructions rencontrées. Il doit alors se mettre " à la place " de la figurine afin de lui faire exécuter le mouvement adéquat.
L'enfant fait évoluer, sur une feuille quadrillée, une figurine plane orientée (dénommée Algor) qu'il déplace en fonction des cartes-instructions rencontrées. Il est alors confronté à une représentation en 2 dimensions dans laquelle espace et personnage sont schématisés, ce qui constitue pour lui un réel travail d'abstraction.
Munis dun quadrillage approprié et du personnage Algor, on peut proposer aux enfants de se confronter aux exercices des types suivants quils ont déjà vécu corporellement :
Décodages de parcours : une représentation séquentielle des cartes-instructions ainsi que la position de départ de la figurine étant fournies, l'enfant devra indiquer la position finale de celle-ci, en consignant ou non les étapes intermédiaires.
Codages de parcours : les positions de départ et d'arrivée de la figurines étant fixées (les étapes intermédiaires étant ou non précisées), l'enfant doit reconstituer, sous forme séquentielle, l'ensemble des cartes-instructions ayant permis à la figurine de se rendre du début à la fin du parcours. On peut même introduire des " programmes à trous ", partiellement écrits, que l'élève doit compléter avec le même type de consignes.
Découverte dun trajet " le plus court " : à partir des positions initiale et finale de la figurine, l'enfant doit fournir, sous forme séquentielle, le programme utilisant le moins de cartes-instructions possible et répondant au problème de codage du chemin. " La présupposition épistémologique du fait d'être " le plus court " est une propriété du tracé en soi, à ne pas confondre avec le trajet effectué pour le parcourir " [PAP 81].
Et puis, comme le préconise Seymour Papert, et puisquon a déjà eu loccasion de lexpérimenter dans la première phase de la progression, " en cas de difficulté, on a la ressource de jouer à être soi-même la tortue " [PAP 81].
Principes de construction des situations
Les principes de construction de ces situations jouent à la fois sur :
La démarche de progression va plutôt du collectif à l'individuel et de l'egocentré à l'exocentré et lon part d'un espace personnel lié à l'action, nécessairement contextualisé (la classe) pour aller à un espace de représentation dépersonnalisé (une feuille de papier).
Il sagit de proposer aux enfants un outil leur permettant d'avoir une meilleure représentation de l'espace de déplacement en faisant l'hypothèse qu'en instrumentant leur représentation, on les aidera à la transformer et à la rendre plus efficiente
Nous avons donc souhaité, entre autres, favoriser des situations qui ont l'ambition de permettre aux enfants de construire une représentation symbolique analytique de déplacements dans le plan et ce, en utilisant un système de représentation qui est immédiatement fonctionnel, puisque les enfants l'utilise dans des situations de communication.
Conclusion
Les activités que nous proposons sont centrées sur des déplacements de l'enfant. À travers elles, l'enfant apprend à maîtriser ses gestes, à accomplir des mouvements précis. Il construit également sa latéralisation mais aussi sa représentation de l'espace et du temps. Il prévoit des parcours, les décompose, les exécute. Il est donc obligé d'anticiper, d'imaginer, de se projeter dans l'espace et dans le temps.
Il doit effectuer des mouvements contraignants, se déplacer dans un quadrillage, distinguer sa droite de sa gauche bref, il doit exécuter de nombreux exercices de maîtrise du geste et de motricité. Le jeu de l'enfant-robot portant essentiellement sur des parcours et leur représentation, les enfants acquièrent également des compétences sur la lecture et l'interprétation de plans et sur l'explicitation de parcours.
Bien entendu, lutilisation du langage occupe une part importante dans ce travail, on ne manque pas dutiliser précisément les termes " droite ", " gauche ", " pivoter " mais on est également attentif à la manière dont les enfants argumentent à propos des déplacements futurs dAlgor. Nous nous sommes attachés, dans cet exposé, à laspect " parcours " de notre travail mais de nombreuses autres voix restent encore à préciser.
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